Brusk - Ad Vitam Aeternam - Spraymium Magazine

En flânant du côté de la rue René Goscinny dans le XIIIe arrondissement de Paris, quelques passants s’arrêtent brusquement devant la porte entrouverte de la galerie Itinerrance. Devant eux, un pachyderme grandeur nature joue les équilibristes campé sur ses deux pattes avant. Et tout autour, des vanités, des paysages urbains et des objets de consommation de masse. Tous détournés à la sauce Brusk. Pour son premier solo show, l’artiste lyonnais a mis les bouchées doubles. Épaulé par sa compagne Aimée et son ami Fred, il a travaillé d’arrache-pied pendant un mois afin de proposer au public une exposition haute en couleurs.

Depuis 25 ans, Brusk vide ses bombes de peintures avec une technicité remarquable. Diplômé de l’école des Beaux Arts de St Etienne, cet accro du dessin a exploré les différentes facettes du writing et s’est fait rapidement remarquer sur la scène graffiti grâce à des lettrages en 3D et des personnages déformés qu’il déclinait dans les terrains vagues de la région Rhône-Alpes. Membre du mythique crew Da Mental Vaporz depuis près de dix ans, il affine avec le temps sa technique et définit son propre univers autour de deux axes graphiques : la coulure et la déchirure. Son univers figuratif lui permet de s’exprimer librement, de manière poétique, avec humour ou sarcasme sur les sujets qui le touchent.

Ici, Brusk propose à travers une quinzaine de toiles soignées jusqu’au moindre détail sa vision du monde moderne. En déchirant des éléments du mobilier urbain, comme une bouche de métro ou une cabine téléphonique, il s’attaque à la grisaille qui l’entoure à la bombe, puis au marqueur afin d’évoquer une ville déshumanisée que les assauts colorés des graffeurs n’auront pas réussi à sauver.

Quand Brusk ne lacère pas les sujets auxquels il s’attaque, il les fait fondre. Ses longues traînées multicolores sont devenues depuis quelques années sa signature graphique. Le béton, le métal ou la pierre se liquéfient grâce au savoir-faire de cet alchimiste. C’est par cette métaphore qu’il critique une surconsommation globale en détournant des baskets de marque ou des caddies de supermarché. Avec lui, la coulure prend vie. Entre maîtrise et accident, elle chemine de manière irrégulière reflétant la liberté qui anime l’artiste. Il modifie, colore et dompte ces coulées dont le rendu final offre au sujet une mise en perspective décalée.

Le traitement en 3D que Brusk apporte à ses coulures l’a naturellement conduit vers le volume. Depuis quelques temps, l’artiste s’attaque à la matière pour donner vie à ses sujets. Après de nombreuses recherches techniques, il est parvenu au résultat escompté. En témoignent ces deux crânes qui symbolisent un amour éternel en écho au titre de cette exposition : Ad Vitam Aeternam. Deux reproductions que l’artiste a transformées, enduites de résine puis chromatisées.

Mais la pièce maîtresse de la galerie est sans nul doute cet éléphanteau en taille réelle que Brusk a fait fabriquer d’après l’un de ses croquis avant de le recouvrir de couleurs dégoulinantes. Un travail long et minutieux que l’artiste aborde comme une nouvelle étape dans son processus créatif. Désormais, le volume et la sculpture feront partie intégrante de son travail. Difficile en effet de se cantonner à la surface plane d’une toile lorsque l’on a goûté à ce genre d’exercice. Le Lyonnais nous réserve sans aucun doute de belles surprises dans un avenir proche. À suivre…