Trois ans après sa première intervention sur le mur du square Karcher en compagnie d’une dizaine d’autres artistes, Nassyo revient sur les lieux du crime. Cette fois, c’est seul qu’il s’attaque aux cinquante mètres de murs mis à sa disposition par l’association Art Azoï. Succédant à l’intervention de Romain Froquet, il a travaillé d’arrache pied pendant une semaine pour livrer une œuvre dense et colorée visible jusqu’au mois de janvier prochain. L’occasion pour nous de revenir sur le riche parcours d’un personnage incontournable de notre mouvement.
Paris 1990, de la Petite Ceinture aux Frigos, le treizième arrondissement a des allures de terrain vague géant et le graffiti y pullule de façon désorganisée. C’est dans ce contexte que Nassyo fait ses classes en compagnie des crews qui vont le suivre pendant des décennies : les TW – VAD. Très vite, Nassyo se démarque avec un style spontané et organique, loin des modes et des codes classiques.
Passionné de dessin, mixant personnages et lettrages, aplats et volumes, il improvise des pièces complexes et ambitieuses quel que soit son stock de peinture. Car même avec une seule bombe noire en poche, il réalise en tracé direct des wildstyles remarquables. Souvent à ses côtés, Hoctez fait partie des rares writers à pouvoir rivaliser avec lui.
Insufflant à ses graffs la même énergie que dans ses tags, c’est sur les toits de Paris que Nassyo va marquer la scène parisienne. Accompagné de Spher, Earl, Beedi.B ou le plus souvent seul, il réalise le long des lignes du métro aérien des graffs d’une complexité rare. Gérant l’espace avec un appétit d’ogre, il ne laisse aucune place à ses concurrents et compose avec une gamme restreinte de couleurs des pièces qui marqueront plus d’une génération de writers.
Au début des années 2000, Nassyo transpose son énergie en atelier. Là, il joue avec de plus en plus de couleurs en cherchant à exprimer des choses plus personnelles sans jamais se restreindre à un style ou une technique. S’il continue de repousser ses limites graphiques sur toile, il n’en délaisse pas moins les murs. Pour preuve, ses récentes performances sur un mur du parc de Choisy, au centre culturel Ken Saro-Wiwa ou à l’Institut du Monde Arabe pour une exposition rétrospective sur le mouvement Hip-Hop.
Actuellement concentré sur la préparation d’une prochaine exposition personnelle, Nassyo s’est échappé de son atelier durant une semaine pour réaliser une fresque remarquable sur le mur du square Karcher. On y retrouve tout ce qui fait l’œuvre de Nassyo : Un espace rempli instinctivement de A à Z, fourmillant de multiples petits détails figuratifs, abstraits ou basés sur le lettrage, son premier amour.
Texte : Nicolas Gzeley
Photos : Silvio Magaglio, Nassyo, Nicolas Gzeley, Graffiti Paparazzi, Deace, Tony Brown, Art Azoï.
Extrait de la vidéo « Wild War, Graffiti clashs from Paris » 2004.