Retour sur l’exposition Amerouge qui se tenait à Paris du 18 au 21 juin dernier à l’initiative de la galerie 42b. Titrée du nom d’un cocktail mélangeant trois différentes saveurs incarnées ici par Jaw, Kan et Lek, l’exposition présentait les derniers travaux sur toile des trois membres du collectif Da Mental Vaporz ainsi qu’une installation réalisée par Lek. Abstraction, pointillisme, figuratif, tous les ingrédients étaient réunis pour un cocktail riche en formes et en couleurs.
Originaire d’une petite ville du sud de la France, Kan migre en banlieue parisienne en 2000 et intègre dans la foulée le collectif DMV, alors composé de Iso et Bom.K. Ensemble, ils vont réaliser des fresques riches et détonantes avant d’être rejoints par Brusk, Dran, Jaw, Gris1, Blo, Sowat et Lek. Combinant sa passion pour l’informatique, la vidéo et le design, Kan décline son nom de mille et une façons puis adopte le Street Pointillism, une technique originale qu’il réalise sur mur comme sur toile.
« Pour cette série, je voulais m’éloigner un peu des thèmes que j’abordais dernièrement comme les violences urbaines et les scènes d’émeutes. Je cherchais quelque chose de léger avec un côté rétro qui me ferait travailler des couleurs plus punchy, plus pop… Je me suis donc arrêté sur une sélection de portraits d’actrices emblématiques du cinéma des années 1950-60. Audrey Hepburn, Liz Taylor, Marylin Monroe, Betty Page, Rita Hayworth… Ces icônes immortelles côtoient ici d’autres pin-ups plus modernes comme Bernie Dexter, Dita Von Teese et Kat Von D. »
S’il a fait ses armes à Marseille dès le début des années 2000, c’est aujourd’hui à Berlin que Jaw produit sans relâche des toiles figuratives aux accents graphiques. Élevé au graffiti classique, il a pratiqué pendant près d’une décennie divers aspects de cette discipline en alternant lettrages et personnages avec une technicité redoutable. Aujourd’hui, c’est principalement sur toile que Jaw exprime ce qu’il a en tête avec des compositions fragmentées, alternant les techniques et les rendus avec un savoir faire diabolique.
« Ces toiles représentent ce qu’il y a autour de moi à Berlin. Des gens, des objets, des ambiances… Ce sont de choses qui s’impriment dans ma tête et qui ressurgissent sur toile de manière déstructurée. Je mixe tout cela dans mon atelier en alternant l’aspect spontané et accidentel de la bombe avec des choses plus appliquées au pinceau. De cette manière, j’essaye d’évoquer des sensations, des instants, des sentiments… »
Colonne vertébrale du collectif FrenchKiss et membre des DMV depuis deux ans, Lek pratique le graffiti depuis la fin des années 80. Passionné d’architecture et d’exploration urbaine, il expérimente la forme en improvisant à chaque fois en fonction du lieu qu’il investit. Privilégiant l’abstraction, le mélange et l’accident, il multiplie les rencontres et inscrit le plus souvent son travail dans une production en duo avec Iko, Dem189 et plus récemment Sowat, avec qui il a réalisé le projet Mausolée avant d’investir les sous-sols du Palais de Tokyo.
« J’ai peint cette série avec l’idée de pérenniser ce que je fais actuellement dans la rue ou dans les lieux abandonnés et qui ont forcément vocation à disparaître. Ces toiles sont censées marquer ce style graphique que je développe depuis quelques temps : des superpositions de lignes graphiques et abstraites que je réalise au rouleau afin de leur donner de la matière. Ici, chaque toile porte le nom d’un cocktail dont chaque couleur serait un ingrédient. J’ai également réalisé une installation au centre de la galerie afin de casser l’espace pour que toutes les toiles ne soient pas visibles dès l’entrée. Le visiteur est ainsi invité à circuler autour de l’installation et découvre au fur et à mesure les différentes toiles présentées pour cette exposition. »
Texte et photographies de Nicolas Gzeley