Des rats, des ânes et des moutons…
Ça y est ? Il est reparti ? Mais était-il seulement venu ? Bien sûr qu’il était là ! Les photos sur son compte instagram l’ont confirmé. De toute façon, les experts s’étaient prononcés. Aucun doute possible donc. Dans le street art, on ne confond pas un rat avec une souris. Quand bien même est-il coiffé d’un noeud rouge à pois blancs.
La superstar du street art s’en est donc retournée outre-manche aussi clandestinement que les migrants qu’il prétend défendre. Il laisse ainsi Paris aux touristes qui, chanceux qu’ils sont, ont désormais de nouveaux monuments à photographier.
Neuf pochoirs… En seulement neuf pochoirs, Banksy a bouleversé le petit monde de l’art urbain, et même au-delà. Sans la coupe du monde de football, il y a fort à parier que l’événement aurait fait la Une de nos quotidiens. Car pas un média n’a fait l’impasse. Du plus spécialisé au plus généraliste. Qu’y apprenait-on ? Rien de plus que sur les réseaux sociaux. Depuis quand un média est-il sensé aller plus loin ? Non ! Usant et abusant du conditionnel, on reprend la rumeur. Juste pour ne pas passer à côté du hashtag à la mode. Et quitte à relayer des tweets, targuons-nous d’un décryptage : un pochoir réalisé lors de la journée mondiale des réfugiés, à deux pas d’un ancien centre de premier accueil, montrant une jeune fille « de couleur » en train de couvrir de rose une croix gammée. L’artiste ne ferait-il pas référence aux migrants ? Quelques malheureux errent précisément à quelques mètres. Mouvement de caméra et hop, tout le monde aura compris.
Ce qu’il y a de bien avec le street art, c’est que c’est pas compliqué à comprendre : ça dénonce soit l’intolérance, soit la pollution. Parfois, ça prône l’amour. C’est quand même plus simple que l’art contemporain. Du coup, c’est populaire. Un peu comme le racisme, mais en mieux.
Bon, pour les autres pochoirs, c’est moins évident. Y a celui avec le cheval, il est joli et en plus, on a reconnu la référence à Jacques-Louis David. Par contre pour l’analyse, on hésite encore entre la satire de Macron Bonaparte et une femme voilée passant la frontière franco-italienne. Il est où l’expert ?
Banksy à Paris, c’est un peu l’équipe de France qui gagne un match en Russie : On ne s’intéresse pas au foot mais soudainement, on supporte « notre » équipe. Et pour supporter Banksy, y a du monde sur la corde à linge. Pas touche à Banksy ! En témoigne le flot d’insultes dont une certaine Konny Steding est désormais la cible sur son compte instagram. L’inconsciente a carrément collé une affiche sur un des pochoirs de l’intouchable street artist. Vous en avez rêvé ? Elle l’a fait ! Les esprits retors y verront un coup de pub facile et irrespectueux. Ceux qui la connaissent en revanche, savent que derrière un travail d’une qualité plus que discutable se cache un esprit punk qui ne fait pas dans la dentelle. Alors oui, le coup de pub est facile, mais c’est aussi et surtout ça le street art. Et un peu de virulence dans ce milieu de bisounours, ça fait parfois du bien. C’est quand même plus franc que les timides pochoirs à deux balles qui sont venus s’accoler à ceux du Britannique. Ceux-là, on ne les retiendra pas, juste par principe.
Toujours est-il qu’ils ont salopé les pochoirs de Banksy ces ânes. Mais que fait la police ? La police dans le street art, c’est les acteurs du marché. Eux, ils blaguent pas. Surtout quand il s’agit de protéger la poule aux oeufs d’or. Ni une, ni deux, on se met en rangs serrés et on sort les boucliers en plexi. Parce que c’est bien beau l’art rebelle, libre et gratuit, mais faudrait peut-être penser à passer à la caisse. Alors on pérennise l’éphémère sans oublier de quadriller le secteur d’autocollants à l’effigie de la galerie. Exit through the Gift Shop qu’il a dit le british…
Mais alors, me direz-vous, ton analyse sur le travail de Banksy ? Je vous aurais bien cité Guy Debord : « Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. » Ça fait toujours bien de citer Guy Debord… Mais en vrai, j’ai pas lu La Société du Spectacle. Et puis, entre nous, Banksy à Paris… Une fois qu’il est rentré chez lui, c’est un peu comme le foot après la coupe du monde.
Texte et photos (sauf indiquées) : Nicolas Gzeley