Dem189 - Panic System - Spraymium Magazine

Issu de la scène graffiti parisienne des années 90, Dem189, aujourd’hui expatrié en Australie, s’est émancipé des codes classiques du writing il y a une dizaine d’années pour développer un style plus personnel, complexe et instinctif. Des expérimentations nées des peintures réalisées avec les FrenchKiss et notamment Lek mais aussi de son travail d’atelier qui se télescope de plus en plus avec ses peintures murales. L’année précédente, il présentait un état des lieux de ce nouveau mode opératoire lors de son premier solo show « Mécanique Animale » avec la galerie nomade MMArtProject. Toujours en collaboration avec cette structure, Dem189 revient cette année à Paris pour une seconde exposition personnelle intitulée « System Panic ». Parallèlement à cette exposition prolongée jusqu’au 7 novembre, la galerie MMArtProject présentait également une seconde exposition de l’artiste dans un nouveau lieu, cette fois en collaboration avec l’artiste Fabrice Yencko. Et comme si cela ne suffisait pas, Dem189 en a également profité pour présenter deux pièces inédites : un tapis, né de sa rencontre avec les Ateliers Pinton, ainsi qu’une sérigraphie en collaboration avec Lek éditée par les Ateliers Fantôme dont nous vous reparlerons prochainement.

System Panic

Dans la continuité de sa première exposition présentée l’année précédente, Dem189 a apporté pour ce second solo show une trentaine d’œuvres récentes. Des toiles réalisées à l’acrylique et à l’aérographe et des dessins à l’aquarelle et à l’encre de chine. Encore une fois, son univers à la frontière de la robotique et de l’organique illustre toute l’imagerie Cyber Punk chère à l’artiste. S’il cite volontiers les dessinateurs européens Druillet, Moebius ou Frankin, ses influences principales sont plutôt à chercher vers William Gibson, père du Cyber Punk dont il écoute les livres audio pendant qu’il peint ses toiles ou Lebbeus Woods dont le travail d’architecture à partir de ruines existantes lui rappelle la façon qu’ont certains writers à s’intégrer dans les bâtiments à l’abandon. Cette discipline qu’il a longtemps pratiquée avec Lek dans les friches de la proche banlieue parisienne lui a ouvert de nouvelles perspectives de travail. Après d’intenses phases de recherche en atelier, il nous présente le résultat de ses éxperimentations.

« Je suis de la génération Amiga, Blade Runner, Terminator… Une génération portée vers un futur chaotique où l’humain serait mêlé à l’informatique, l’électronique et la mécanique. Au travers de mes peintures, je cherche à évoquer une réalité virtuelle de l’informatique représentée de manière physique. Lorsque je préparais cette série, mon ordinateur a crashé, affichant désespérément le message « System Panic ». D’autres appareils électriques m’ont également lâché, du coup j’ai essayé de transposer sur mes toiles cette notion d’un système qui ne fonctionne plus en cherchant à symboliser la beauté d’un virus informatique de manière figurative. C’est également une façon de représenter l’avenir tel que je l’imagine. Comme si j’essayais de définir le graffiti du futur, tel qu’il pourrait être pratiqué dans quelques décennies. Un travail d’anticipation qui correspond à la littérature dont je me nourris. »

Si l’on retrouve dans cette récente série tous les éléments que Dem189 avait mis en place dans ses peintures précédentes, on y découvre aussi une certaine évolution dans leur traité. L’artiste a cette fois abandonné la technique du « All-Over » qui consiste à remplir chaque espace de la toile en organisant ici des pauses par des aplats géométriques qu’il découpe par-dessus ses motifs. Dem189 commence également à jouer avec différents plans en 3D de manière à provoquer une certaine profondeur, s’éloignant peu à peu de l’abstraction pour évoquer une sorte de paysage apocalyptique traduit par un style né de sa pratique du graffiti.

« Même si je pratique toujours le « All-Over », je reviens désormais dessus avec des formes graphiques afin d’apporter des respirations visuelles. J’essaye également d’évoquer des premiers plans et des arrières plans, de placer une ligne d’horizon qui organiserait l’espace comme une sorte de paysage surréaliste. Comme pour mon exposition précédente, je n’ai pas défini de code couleur en amont. J’ai utilisé ce que j’avais sous la main. Cette fois, j’ai en revanche privilégié les couleurs plus douces, moins chaudes… Des gammes moins criardes que celles que l’on aime utiliser dans le graffiti. Il s’agissait pour moi de souligner le contraste entre le métal et la terre, que cela soit en accord avec mes dessins, en essayant d’évoquer quelque chose de vivant, à mi-chemin entre mécanique et organique. »

Au-delà des œuvres accrochés aux murs, les visiteurs découvrent également sur le sol de la galerie un grand tapis de laine de près de 2m² aux couleurs de l’artiste. Intitulé « Lysergique » et inspiré des aquarelles exposées, il propose une composition rigoureuse en « effet miroir » teintée à la main. Cette pièce fait partie d’une collection dirigée par Yves Sabourin qui présente la collaboration des prestigieux Ateliers Pinton avec des artistes aux univers différents comme Johan Creten, Maria Loizidou, Jean-Michel Othoniel, Françoise Quardon et Qubo Gas.

Dem189 – System Panic
74 rue Quincampoix 75003 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h à 19h
Jusqu’au 7 novembre 2015

W(All Over) Project

Quatre jours seulement après le vernissage de « System Panic », Dem189 et Fabrice Yencko inauguraient « W(All Over) Project ». Une exposition présentée dans le prestigieux Espace Durant-Dessert organisée par MMARTProject et UCN Event. Cette exposition collaborative présentait deux séries de quatre toiles ainsi qu’une grande toile réalisée par les deux artistes.

« Cette exposition marque le point de départ d’un concept que l’on voudrait voir évoluer sous la forme d’évènements collaboratifs entre différents artistes, dans la continuité de ce que l’on a pu réaliser avec le collectif FrenchKiss. Pour cette exposition, j’ai peins avec Fabrice Yencko deux séries de quatre toiles réalisées à quatre mains. Sur chacune d’entre elles, nous avons mixé nos styles respectifs de manière très spontanée en essayant de trouver un équilibre entre la simplicité et la complexité. Autour du mélange et de l’effacement, nous avons cherché une collaboration plus conceptuelle que technique en expérimentant hors des codes de quelque milieu que ce soit. Enfin, nous avons réalisé une grande toile de 3 x 10 mètres que nous avons abordé comme un mur où chacun se mêle au style de l’autre avec un code couleur commun de manière à créer une œuvre homogène. »