Jan Kaláb fait partie de ces artistes qui cherchent toujours à repousser les limites de leur art. Writer acharné sous le nom de Cakes, il opère un tournant décisif au début des années 2000 en plaçant dans la ville des lettrages en volume, en bois ou en polystyrène. Celui que l’on connaît alors sous le nom de Point participe à l’évolution du graffiti vers un art urbain construit et réfléchi, bien loin d’un street art caricatural constitué de productions aussi racoleuses que vides de sens. L’art de Jan Kaláb est né dans la rue, s’est nourri d’un solide parcours et continue de mûrir loin des modes et des gimmicks faciles. Rencontre…

 

Jan Kaláb est issu de la seconde génération de writers tchécoslovaques. Happé par la déferlante graffiti qui envahit l’Europe au début des années 90, il se choisit un nom, « Cakes », et forme le mythique crew DSK. Avec ce groupe, il signe les murs et les métros de sa ville, de son pays, puis aux quatre coins de l’Europe jusqu’à New York où, en 2000, il peint plusieurs wholecars en compagnie de Key et Romeo. Une action remarquée par la scène graffiti à une période où le système ferroviaire de la grosse pomme était particulièrement surveillé. Mais Cakes n’avait pas attendu ce coup d’éclat pour briller aux yeux de ses pairs. Avec un style original et maîtrisé, sa persévérance au fil des années l’a placé dès le milieu des années 90 parmi les meilleurs writers européens, ceux dont on s’inspire, dont le style représente une ville, un pays. Et durant la décennie qui précéda le nouveau millénaire, le style de Cakes représentait la République Tchèque.

Au début des années 2000, Cakes, qui s’appelle désormais Point, cherche de nouvelles voies à explorer. Il se tourne alors vers le volume en créant des sculptures qu’il place ensuite dans la ville. Ce faisant, il s’inscrit dans une mouvance naissante : le post-graffiti. Un mouvement qui regroupe de nombreux writers qui, bien avant que l’on ne parle de street art à tort et à travers, cherchent de nouvelles façons d’interagir avec la ville. Avec ses sculptures urbaines, Point trouve une nouvelle manière de placer son nom dans la rue. Dans ce chemin qui mène de la surface à l’espace, il rejoint les berlinois Akim et Zast qui, eux aussi, investissent la ville en y inscrivant leurs lettrages de manière tridimensionnelle.

Point réalise sa première sculpture en 2001 alors qu’il est invité à intervenir au musée Manes de Prague. Conscient du fait qu’un graffiti peint sur le mur d’un musée n’aurait aucun sens, il opte pour une technique différente en créant une œuvre en relief réalisée avec du carton. Par la suite, il construit différents modules composés d’une structure en métal reliée avec des cordes. Si ces derniers fonctionnent très bien en galerie, leur réalisation est en revanche trop fastidieuse pour envisager d’envahir la ville de cette manière.

Au cours d’un voyage à Berlin en 2003, Point rencontre Akim et Zast qui commencent à placer leur nom à travers la ville en plaçant des structures en polystyrène. Il leur emboîte le pas et poursuit ce processus à Prague. Ce faisant, il continue de placer son nom dans la ville dans un esprit d’innovation et de compétition propre au graffiti tout en portant un regard nouveau sur l’architecture des bâtiments qu’il investit. Par ailleurs, la technique employée lui permet de travailler en plein jour, échappant aux lois anti-graffiti mises en place par la municipalité.

Au milieu des années 2000, Point a fixé des centaines de sculptures dans sa ville. Writers et citoyens lambdas ont fini par comprendre qu’il s’agit là d’une nouvelle forme de graffiti. Point cherche alors une autre façon d’interagir avec la ville tout en contournant les codes classiques du graffiti. En peignant des formes abstraites au sol, il suscite à nouveau la curiosité et l’incompréhension. Une activité novatrice qui se terminera cette fois par une arrestation et un passage au tribunal.

En 2006, Point obtient son diplôme des beaux-arts de Prague. Il redevient Jan Kaláb et se tourne alors vers un travail d’atelier en cherchant, par la peinture sur toile, à continuer l’exploration stylistique de ses lettrages en trois dimensions. En zoomant sur les intersections qui existaient sur ses sculptures, il expérimente l’abstraction avec un style très géométrique. Des lignes, des angles, des carrés, des cercles… Son style se précise peu à peu, cherchant à retranscrire le mouvement, la profondeur, le temps ou l’infini. Rapidement, il est invité à exposer aux quatre coins de la planète.
En galerie, il expose ses toiles et continue de présenter des volumes, qu’il s’agisse de reproductions en bronze de ses anciennes sculptures ou de travaux plus récent comme des totems en bois. En ville, il réalise de grandes fresques géométriques dans la même veine que ses toiles.

Texte : Nicolas Gzeley
Photos : Jan Kaláb

Mural Art Jana Kalába v Praze 10: Uvnitř kruhů from čolek/lolek hruška/mencl on Vimeo.

Point / Alternate plan(e)s from Jan Kaláb on Vimeo.