Dans un fanzine de 88 pages en édition limitée, Legz revient sur 25 ans d’exploration urbaine et de peinture en chrome et noir. Dans les usines désaffectées, les maisons abandonnées et autres galeries souterraines qui ont jalonné ses déambulations, le graffeur parisien a laissé sa marque : une signature argentée, abstraite, qui court sur les murs comme une plante invasive.
Urbex. C’est l’un premier mot qui vient à l’esprit à l’évocation du travail photographique de Legz (aka The Spaghettist). Rappelons-le, ce mot-valise, issu de l’anglais urban exploration, désigne l’activité qui consiste à visiter des lieux interdits ou difficiles d’accès, voire dangereux. Le terme a émergé dans la communauté cataphile et toiturophile dans les années 80. S’étendant à d’autres horizons tout aussi clandestins, l’urbex est devenu depuis une dizaine d’années un passe-temps mainstream prisé pour une horde d’aventuriers tous âges confondus en mal de sensations fortes. Si ces lieux servent de cadre aux pilleurs et squatteurs de tous bords, ils attirent aussi un public qui s’adonne à diverses pratiques et hobbies underground, incluant bien sûr le graffiti, mais aussi les délires érotiques, les rites sataniques, le light painting, les tournages de clips et de films, les jeux de guerre en équipes… De multiples passages qui laissent indéniablement des traces et impriment de nouvelles histoires dans des lieux au passé déjà riche et parfois même lourd.
D’usines en sanatoriums délabrés, de manoirs déclinants en vieux hangars désossés, depuis 25 ans, Legz tente de décrypter les énigmes de ces no man’s lands dans une solitude assumée – avant leur destruction ou leur réhabilitation. Cet archéologue urbain, par le choix de ses focus photographiques, nous parle d’une poésie visuelle qu’il retranscrit sous la forme de « spaghettis » stylisés, le plus souvent en noir et chrome. Par sa peinture toute en courbes répondant aux architectures géométriques, Legz ravive la rouille, le verre, la pierre ou la tôle. Il a une prédilection certaine pour les clairs obscurs mystérieux quand il ne laisse pas, au beau milieu d’un mur vierge rescapé des machines broyeuses, une empreinte alambiquée de ses errements.
Le graffeur avait déjà autopublié un premier opuscule de ses explorations du patrimoine en ruines en 2005. Collector, car imprimé à seulement 200 exemplaires, ce nouveau portfolio constitué de mosaïques de textures et de matières, alternées à des images en doubles-pages de vestiges industriels, nous plonge inévitablement dans un voyage dans le temps. Images uniques, témoins de ces troublants trous noirs, cet échantillon de spots montre le pouvoir étendu de la nature qui au fil des années se réapproprie l’espace, en dépit de la pollution environnante et des interventions humaines. Une végétation indomptable et libre où le lierre est à l’honneur. A l’instar de ce lierre qui peut vivre des centaines d’années, les spaghettis peints à la bombe tissent des liens subtils entre différentes époques. Legz a sélectionné dans ses archives numériques de quoi remplir 88 pages au format A5 invoquant la mémoire collective : ces « non-lieux », connus pour certains et inconnus pour d’autres, nous rendent nostalgiques par leurs décors variés, leurs objets oubliés, leurs craquelures… Out of Many, outre le titre d’un album de Lee Scratch Perry, évoque la quantité substantielle de photographies remplissant les disques durs de cet infatigable explorateur, qui ne nous offre à voir ici qu’une infime partie de sa collection.
Texte : Chrixcel
OUT OF MANY, The Spaghettist
Format A5 (14,8 x 21 cm) // 88 pages en couleur // 200 exemplaires numérotés et signés