Monkey Bird Crew – Singerie Oisive

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Monkey Bird – M.U.R. des Chartrons à Bordeaux

Les deux garçons formant le tandem appelé Monkey Bird Crew (aka Singerie Oisive) détonnent dans l’univers du pochoir made in France. Depuis leur rencontre en 2012 dans une école d’art et de design, on les a vus principalement à Bordeaux, Amsterdam et dans les rues du 18ème arrondissement de Paris. Ils ont désormais fait leur nid dans la capitale, errant entre Marx Dormoy, Lamarck et Montmartre, signant singes et oiseaux déclinés quasiment dans toutes leurs espèces. Á ceci près que leurs créations élaborées, comme tirées des plus belles pages illustrées des livres d’antan, ne laissent pas d’intriguer.

 

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Monkey Bird – Paris

Les artistes, de leurs vrais noms Louis Boidron et Edouard Egea, misent essentiellement sur des compositions en noir et blanc, parfois rehaussées de motifs et fonds dorés. La finesse d’une découpe en un unique layer alliée à un sens aigu de la mise en scène donne à ces animaux des allures de frontispices pour fables murales. Des éléments récurrents tels que des clés à tête de primate ou de piaf, des rosaces ou encore des ornements typographiques, forment un genre nouveau que l’on pourrait presque qualifier d’« enlumimurs ». Ce rendu assez classieux est accentué par leur signature pochoirisée sous forme de lettrines et datées en chiffres romains, signature parfois remplacée par un cercle biface janusien mi-singe mi-oiseau.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

Le corollaire de la Singerie Oisive serait l’Oisiveté Simiesque du couple étrange formé par ces deux éthologues urbains, évoluant invariablement dans leurs deux éléments de prédilection : la terre et l’air, chacun respectivement renvoyant au noir (la matière et l’enveloppe charnelle) et au blanc (la lumière et l’esprit). A chacun son animal totem : Temor le primate, graphiste inspiré, donne le change à Blow le volatile, poète-illustrateur. Féru d’oiseaux, enfant Louis se voyait gardien de zoo, il les dessinait sans relâche. Edouard a choisi le singe comme représentation fidèle de l’homme toujours en mouvement.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

Depuis leur exposition collective en octobre 2014 à la Maison des Arts de Créteil, on les voit virevolter et sautiller partout ! Présents lors de l’édition de la Nuit Blanche 2014, ils enchaînent dans la foulée à l’Institut Culturel Bernard Magrez et à l’Université de Bordeaux-Montaigne (33) dans le cadre de l’exposition « Vibrations Urbaines » aux côtés d’autres street-artistes (Alber, Invader, Jef Aerosol, Rouge et Swoon).

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Monkey Bird (détail) – Université Bordeaux-Montaigne

Puis ils réalisent des fresques sous les docks de la Cité de la Mode et du Design pour le OFF de la FIAC, d’autres à Tourinnes en Belgique, une fresque rue Chapon à Paris pour Radio Marais. Récemment en février 2015, ils ré-émigrent sur Bordeaux le temps du M.U.R. des Chartrons visible tout un mois.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

Retour à la Fac

Leur œuvre monumentale est à n’en pas douter celle réalisée à l’Université Bordeaux-Montaigne, où j’ai été littéralement plongée au beau milieu d’un zoo en plein air. Que les étudiants ne s’offusquent pas, je parle bien sûr des pochoirs stylisés signés du MBC ! Cette ménagerie à deux espèces est le fruit d’une semaine entière de travail sans discontinuer au gré des averses et des questions fleuves des étudiants curieux.
Depuis, le duo s’est envolé pour New Delhi pour le festival East-West où ils étaient en résidence jusqu’au 5 avril dernier à l’invitation de l’Alliance Française.

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Globes terrestres et horloges symbolisent le voyage et le temps qui passe, subtils rappels des natures mortes humanistes où la connaissance et le mysticisme étaient au cœur des méditations de l’époque.

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Impressionnant, ce singe affublé d’ailes mécaniques qui nous rappelle tant les croquis des inventions de Léonard de Vinci ! Le poilu et l’emplumé semblent ainsi fusionner, l’un se substituant à l’autre  le temps d’une histoire racontée sur un mur de béton des années 70…

 

Rencontre avec le Monkey Bird Crew

 

Comment s’est fait le choix de vos animaux-totems respectifs ?

Tout s’est instauré avec l’envie de s’identifier par un procédé annexe au principe du « blase » propre à la culture du graffiti.
Nous voulions élaborer une représentation plus illustrée et plus emblématique, tout en transmettant une sensibilité poétique, accessible au plus grand nombre.
Nos choix se sont concrétisés très naturellement. Nous aspirions à élaborer des « fables totémiques » qui, par le biais d’animaux, traitent de l’homme en le recentrant sur ses énigmes originelles.
L’oiseau est employé en tant que symbole de l’âme humaine, instituant ainsi de nombreuses notions d’ouverture, notamment celles de liberté, d’évasion et de jeux d’esprit. Le singe quant à lui nous renvoie à notre condition primitive par lien corporel, et paradoxalement, aux moyens mis en œuvre afin de résister à notre propre nature. Ainsi en découlent les principes d’architecture et d’appareil social.
L’homme en mouvement se doit de trouver un juste équilibre, animé entre ses obsessions matérielles et ses fantasmes de liberté, afin de se construire en tant qu’animal social.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

Quelle fut votre première œuvre ?

Nos premières interventions urbaines hors graffiti se situent aux alentours de 2009, on a débuté dans les rues de Bordeaux alors qu’on était encore étudiants, on avait un univers plus éclectique et nous utilisions chacun nos blases respectifs. La première pièce signée sous le nom de Monkey Bird date de 2010.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

Que représente la ville de Bordeaux pour vous ? et Paris ?

Bordeaux est la ville où nous nous sommes rencontrés, où se sont initiées nos épreuves artistiques communes. Cette ville nous a fait bénéficier d’un terrain idéal pour nos recherches d’expression visuelle et d’harmonie esthétique.
Paris caractérise pour nous la concrétisation d’un rêve et l’ouverture à un plus large public. Étant en quête permanente d’inspiration et d’action artistique, c’est un lieu de résidence idéal pour y apprécier notre rythme de vie, qui se veut aussi aventureux que professionnel.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

Racontez-nous votre passage à Amsterdam ?

Amsterdam a été une transition entre notre pratique libre et notre quête de crédibilité, nous proposions alors une large palette de styles et d’iconographies. Les réactions diverses des habitants en fonction des méthodes employées, des horaires d’action et de notre localisation nous à beaucoup guidé. C’est une ville calme et ouverte d’esprit, naturellement propice aux initiatives artistiques, notre projet y a mûri en un temps condensé.

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Monkey Bird – Université Bordeaux-Montaigne

D’où vient l’inclusion de symboles et /ou objets particuliers dans vos œuvres (engins de construction, horloges, globes terrestres, clés et rosaces) ?

C’est pour nous un moyen de composer nos fresques, notre travail devient monumental en s’articulant grâce à un principe d’assemblage de symboles connexes, ces symboles, singes et oiseaux compris, sont chacun indépendants et trouvent un sens nouveau en communiquant les uns avec les autres, ainsi, nous ne cherchons pas à transmettre un message résumé, mais nous jouons sur des sentiments en abordant les notions d’ouverture et de structure sous leurs différents aspects.

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Monkey Bird – New Delhi

Pouvez-vous nous expliquer votre technique ?

Notre technique se veut pluridisciplinaire, de par nos parcours (graphisme, design). Nous travaillons dans un premier temps au dessin. Nous sommes artisans, car nous façonnons nos propres outils, nos dessins sont alors réalisés dans l’intention d’obtenir un pochoir monocouche aussi esthétique que fonctionnel. Cette technique nous permet de nous concentrer sur le travail de la densité linéale et des masses lumineuses, ce qui offre au dessin une existence et un caractère nouveau une fois retranscrit sur mur. Nos pochoirs sont réalisés à la main et constamment réajustés durant leur mise en œuvre, cette technique est ainsi liée à la gravure afin de proposer une conception contemporaine de l’artisanat d’art.

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Monkey Bird – New Delhi

Globalement quels messages souhaitez-vous faire passer au travers de vos réalisations ?

Il n’y a aucune intention de placer un message à sens unique, notre volonté est de jouer sur les notions de contradictions, et les issues qu’elles génèrent. De cette manière, nous travaillons en noir et blanc, confrontons le symbole de l’oiseau avec celui du singe, nous effectuons un travail soigné de manière souvent illégale en élaborant des fresques aussi monumentales qu’éphémères.
L’essentiel de notre engagement moral se situe au sein de l’acte lui-même, en délivrant le fruit de plusieurs années de travail et de nombreuses heures de découpage au cœur des villes. Au gré de nos parcours nous transformons de manière impromptue un mur anonyme en un monument communautaire.

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Monkey Bird – New Delhi

Y a-t-il parfois dans vos œuvres un côté dénonciateur du mal que l’homme cause dans le règne animal (cf. pochoirs encagés) ? Êtes-vous sensibles à cette problématique ?

Cette question est évidemment un problème contemporain majeur, l’être humain détruit son environnement en voulant préserver sa forme physique, son esprit, et même son image. Encore une fois, le projet Monkey Bird ne diffère aucune critique immédiate, mais traite de cette problématique en introduisant des animaux égarés en ville, derrière des barreaux, nos dernières séries de pochoirs présentent des chimères semi-industrielles. C’est un moyen pour nous de représenter une forme de symbiose en voie de perdition, tout l’idéal spirituel occidental reposait jusqu’ici sur le développement industriel, aujourd’hui les mœurs changent par nécessité vitale, et non sans peine.

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Monkey Bird – New Delhi

Pouvez-vous nous parler de votre voyage en Inde à New Delhi ?

Nous avons participé à une résidence artistique internationale à Delhi nommé « East-West festival ». Nous sommes restés presque deux mois en Inde, c’était une grande aventure humaine et culturelle. D’abord parce que nous étions une quinzaine d’artistes qui exposions dans différents lieux et vivions sous le même toit. Chacun avait ses propres pratiques et sa personnalité, il y avait de la vidéo, de la photo, de la performance, de la danse, des installations et de la peinture. Tout, ou presque.
Ensuite parce que travailler en extérieur là-bas fût une expérience nouvelle, les murs sont parfaits, colorés et usés, comme on les aime. On travaillait de jour, cherchions le mur qui nous convenait, négocions avec le propriétaire des lieux qui acceptait la plupart du temps, ensuite on se mettait au travail, entouré d’une quarantaine de curieux. On a eu l’occasion de faire énormément de rencontres, d’exposer dans de belles galeries, de se nourrir d’une nouvelle culture très riche et de voyager afin de découvrir ce pays si vaste.

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Monkey Bird – New Delhi

Textes : Chrixcel
Photographies Paris – Bordeaux : Chrixcel
Photographies New Delhi : Monkey Bird Crew

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