Des toiles abstraites, nerveuses, raffinées. Comme autant de pages d’un carnet de voyage, de flânerie citadine, d’exploration urbaine. Pour son exposition XIX à la galerie 42b, Lek nous emmène en Italie à la découverte de sa Rome. Celle qu’il a arpentée durant une année. Des cathédrales millénaires aux rives du Tibre. Des marbres antiques polis par les siècles aux murs couverts de graffitis qui s’effacent lentement, usés par le temps.
À la fin de l’été 2015, le duo Lek et Sowat est admis à l’Académie de France à Rome. Ils sont les premiers artistes issus du graffiti à intégrer la prestigieuse institution. Durant une année, dans cet espace clos et paisible aux allures de prison dorée qu’est la Villa Médicis, ils partagent un vaste atelier de 80 m², celui qu’occupa Jean-Dominique Ingres trois siècles avant eux. Un laboratoire dédié à l’art, propice à la création, où les deux acolytes reviennent à la source de leur pratique : la peinture. Pour Lek, c’est l’occasion de prendre du recul, faire la synthèse des années passées, expérimenter, et surtout, prendre le temps. Car c’est bien de temps dont il s’agit. Le retenir, le laisser filer, jouer son diktat, contrôler sa course…
À ses yeux, chaque toile à sa propre temporalité. Temps de gestation, rythme d’exécution, durée de séchage… Tel un chimiste, il multiplie les expériences, mélange les ingrédients, triture le support. Invariablement, Lek cherche les matières. Celles qui ont jalonné son parcours de graffeur, ses déambulations urbaines de la ville lumière à la ville éternelle. De ces non-lieux où survivent réfugiés et exclus de la société, il retient ces lignes de vêtements chiffonnés qui sèchent devant les abris de fortune. Sa manière de les traduire procède de la gestuelle lorsqu’il froisse ou plie ses toiles qui brassent une peinture fraîche, diluée, et s’épand sur la surface accidentée en marbrures fantomatiques. Comme sur ces murs où les graffitis disparaissent sous la pluie mêlée à la crasse et révèlent des formes abstraites, nuancées, dégoulinantes. Minutieusement, Lek les retranscrit sur toile en une mixture colorée.
Fusions et transparences, superpositions et effacements, enchevêtrements et imprégnations ; par jeux de couleurs contrastées, de savants pliages, l’artiste illustre l’ADN de la ville sous forme d’origamis modernes. Entre ordre et chaos, il découpe l’espace de ses formes géométriques apparemment aléatoires et pourtant savamment ordonnées. Cette signature graphique est le fruit de trente ans d’expérimentations plastiques menées au cœur des villes, que l’artiste a longuement étudiée puis couchée sur toile pour livrer une exposition à mi-chemin entre autobiographie et manifeste. Ainsi, dans chacun de ses tableaux, Lek dévoile une identité, révèle un lieu, définit un temps et suggère un processus. Une mosaïque née du tissu urbain, construite dans l’urgence et couchée avec patience.
Texte et photographies de Nicolas Gzeley
LEK « XIX »
Du 3 novembre au 3 décembre 2016
Galerie 42b, 1 rue Notre Dame de Nazareth, Paris IIIe
Parallèlement à cette exposition, Spraymium Magazine présente un fanzine nous plongeant au cœur du processus de création de l’artiste. Sur 36 pages, « Dissected Metropolis » nous invite à observer à la loupe les effets de matières que Lek confronte à son graphisme rigoureux. Une publication éditée à seulement 100 exemplaires, numérotée et signée par l’artiste, disponible sur le shop Spraymium.
LEK « Dissected Metropolis »
Format A5 (14,8 x 21 cm)
36 pages en couleur
100 exemplaires numérotés et signés par l’artiste
10€ (frais de port inclus pour la France Métropolitaine)
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