Entre deux escales à l’autre bout du monde, le Globe Painter Julien « Seth » Malland a posé ses valises pleines de bombes de peinture à la galerie Itinerrance pour une exposition particulièrement colorée : Walking on a Dream présente jusqu’au 25 avril les derniers travaux sur toile de l’artiste ainsi qu’une installation nous rappelant que si les peintures de Seth sont d’une plasticité admirée par beaucoup d’amateur de street art lorsqu’elles sont suspendues aux cimaises d’une galerie, c’est sur mur et intégrées à la ville qui l’accueille qu’elles prennent tout leur sens.
Vendredi 20 mars dernier, 19 heures, une foule compacte se presse dans la galerie Itinerrance et déborde jusque sur le trottoir de la rue René Goscinny. Personne ne veut rater la dernière exposition de Julien « Seth » Malland. Succédant à l’univers fantomatique en noir et blanc de David de la Mano, c’est aujourd’hui une déferlante de couleurs qui envahi la prestigieuse galerie du 13e arrondissement. Aux murs, les désormais célèbres enfants de l’artiste posent, se prélassent ou s’enlacent dans une joyeuse danse aux couleurs vives. Comme un rêve éveillé, Seth vous invite dans son univers.
Passionné de graffiti depuis la fin des années 80, Julien Malland ne devient « Seth » qu’au milieu des années 90, alors qu’il étudie autant dans les terrains vagues d’Ile de France qu’aux Arts Décoratifs de Paris. Dès le départ, ce sont des personnages que crachent ses bombes. Dans un style illustratif aux accents de bande dessinée, Seth place ses characters entre les lettrages de ses comparses pendant près d’une dizaine d’années avant que son travail ne prenne un tournant décisif suite à son premier tour du monde en 2003.
« Depuis quelques temps je commençais à me sentir à l’étroit dans cet univers codifié à l’extrême et parfois trop fermé qu’est le graffiti. C’est lors de mon premier grand voyage et notamment dans les pays d’Amérique Latine comme le Brésil, le Chili ou l’Argentine que j’ai découvert d’autres manières de peindre. Avec les graffeurs locaux, nous avions le privilège de peindre des fresques en pleine rue ; alors qu’à Paris, nous devions nous retrancher dans des terrains vagues où seuls les graffeurs et la police mettaient les pieds.
Peindre dans la rue, c’est d’abord peindre pour les gens, tous les gens. À Rio de Janeiro par exemple, j’ai rapidement été confronté à la violence et la misère qui habite les favelas. Dès lors, je ne me voyais pas peindre quelque chose de violent comme j’aurais pu le faire à Paris où nous nous soumettions trop souvent au folklore d’un hip hop importé des États-Unis. Au Brésil, peindre dans la rue fait partie de la culture locale, cela n’a pas cette connotation négative que nous connaissons en Europe. Cela m’a donc motivé à peindre des choses positives, en m’adressant directement à la population locale. »
En 2007, Seth publie l’ouvrage Globe Painter. Un livre en forme de carnet de voyages où il dévoile les différentes peintures qu’il a réalisées dans les nombreux pays qu’il a visité.
L’année suivante, alors qu’il est au Brésil depuis près de neuf mois, il est contacté par Canal+ afin d’intégrer l’équipe des Nouveaux Explorateurs, un tournant décisif pour lui qui ne tient pas en place.
« Cette émission m’a permis de voyager tout en continuant à peindre et surtout de rencontrer les habitants des villes que je visitais. La peinture de rue est un formidable moyen de communication et cela a forgé m’a façon d’appréhender le graffiti. Mes sujets étaient de plus en plus abordables, ils me permettaient de raconter à chaque fois quelque chose et surtout, j’ai eu l’occasion de peindre avec de nombreux artistes, qu’il soient issus du graffiti ou non. C’est tous ces voyages et ces rencontres qui me poussent à intégrer dans ma peinture les cultures locales, les traditions ainsi que l’architecture et le contexte dans lequel je peins. »
En 2010, Seth s’essaye à la toile. Exercice presque inévitable et pour le moins difficile pour quiconque s’est construit en peignant dans la ville. Le risque est évident : perdre toute substance et se réduire à une pratique plastique vide de sens car exclue de son contexte. D’abord réticent, Seth fini par y trouver sont compte, même s’il garde en tête que le cœur de son travail se situe hors du confort d’un atelier.
« Pendant longtemps, je n’étais pas vraiment intéressé par la toile. Avec le temps, j’ai fini par y prendre goût. Cela me permet d’expérimenter de nouvelles choses et j’arrive aujourd’hui à me faire plaisir. Pour moi, le plus difficile est de traduire le contraste qui existe dans mes peintures de rue, le contraste entre la peinture et son environnement. Pour la vingtaine de toiles que je présente actuellement, le contraste réside entre le fond et le personnage, entre les parties soignées et d’autres plus lâchées. Dans cette exposition, chaque toile fonctionne indépendamment des autres, ce n’est pas une série. Bien sûr, il y a un fil conducteur. Ici, c’est le rêve, l’imaginaire, une sorte de fuite vers un autre monde, vers quelque chose de plus positif que ce que la réalité nous impose. Techniquement, j’ai beaucoup utilisé la bombe aérosol et l’acrylique. J’ai cherché à obtenir différentes matières, à jouer avec la coulure… J’ai également intégré des éléments du graffiti comme des throw-ups, histoire de rappeler l’univers duquel je viens et de ne pas l’opposer au street art comme beaucoup cherchent à le faire. »
Et puisque son univers ne peut se réduire à quelques rectangles de lin, Seth a également monté deux murs de briques qu’il a abordé de la même manière qu’en ville. À grands coups de burin, il a ensuite percé une ouverture entre les deux, laissant apparaître une petite salle au fond de la galerie dans laquelle d’autres toiles sont à découvrir.
« Même si je prends du plaisir à peindre des toiles, je ne perds pas de vue que le cœur de ma pratique, c’est l’adaptation au support. Et pour illustrer cela, l’installation est le meilleur medium en ce qui me concerne. C’est pour cette raison que ces deux petits murs cassés au fond de la galerie sont très importants dans cette exposition. Ils évoquent l’essence de ma pratique et racontent autant que mes toiles. J’ai également monté quelques briques sur le mur qui est habituellement peint par les artistes qui exposent dans la galerie Itinerrance. J’y ai peint une image que j’ai réalisée le mois dernier sur une façade d’un immeuble à Rome : Il Bambino Redemptor. C’est un petit garçon qui, sur la pointe des pieds, tente d’apercevoir ce qui se cache derrière le mur. Une façon de rappeler le thème de l’exposition. »
Lorsque je demande à Seth ce qu’il compte faire après cette exposition, la réponse est sans surprise : Repartir au plus vite, rencontrer des gens, peindre des murs… Cette fois, ce sera la Chine. Bon voyage Julien, fait de beaux rêves…
Texte de Nicolas Gzeley
Photos : Aline Deschamps et Nicolas Gzeley
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