Depuis le mois d’octobre dernier et jusqu’au 7 janvier prochain se tient à Paris la dernière exposition de RCF1. Figure incontournable du graffiti français, RCF1 a marqué les années 90 avec un style novateur qu’il développe au sein du groupe P2B avec des artistes comme Stone, Sero, Popay, Honet, Stak, Hoctez, Poch… Avec cette exposition intitulée « MOD », RCF1 revient sur l’univers de cette culture alternative qui émergea en Angleterre dans les années 60. Une influence majeure qui nourrit son œuvre depuis l’adolescence. Visite guidée…

 

Une trentaine de toiles récentes, des photographies argentiques, des parkas recouvertes de peinture… RCF1 propose au visiteur de s’immerger dans la culture MOD. Un style de vie né outre-manche sur une musique à la croisée du Rythm & Blues, du Modern Jazz et de la Soul. Sur les deux étages de la Superette, une agence de production qui transforme ses bureaux en galerie au gré des rencontres, l’artiste revisite les clichés de cette culture : la musique, la danse, le style vestimentaire et les scooters en y apportant sa touche personnelle issue du graffiti.
Une façon pour lui de nous présenter ses différentes facettes : Peintre, DJ et photographe.

« Je suis tombé dans la culture MOD à l’adolescence lorsque que je faisais des allers-retours en Angleterre pour y voir ma famille. À Brighton, j’ai découvert ces tribus qui paradaient comme des paons sur des scooters avant d’aller danser toute la nuit sur du jazz et de la soul. MOD est l’abrégé de modernist qui tire son nom du modern jazz. Lorsque j’ai commencé à faire des graffitis à la fin des années 80, j’y voyais également une forme de modernisme face à un monde de l’art figé face au poids du passé. J’ai toujours fait le lien entre le mouvement MOD et le graffiti. Avec cette exposition, je veux aujourd’hui pousser et assumer pleinement cette influence. Si ce courant fait directement référence aux sixties, il reste très vivant, tout comme le mouvement graffiti. »

« Cette toile date de 2010, c’est la plus ancienne présentée dans cette exposition. Elle marque un tournant dans ma peinture. Même s’il y a encore un peu de rose et de vert, on retrouve principalement les trois couleurs primaires auxquelles j’ai décidé de me restreindre, par challenge, pour épurer mon travail et m’affranchir des codes du graffiti. »

« Cette série représente une partie de ma collection de disques. J’aime tellement mes vinyles que je les ai peints, cela renforce le fait que chacun d’entre eux est unique. C’est MON 45 tour, je l’ai longtemps cherché et je l’ai payé cher ! J’ai donc pris mes disques en photo, je les ai imprimés, collés sur la toile puis peints. On y découvre le logo de différents labels qui utilisent à chaque fois une typographie originale, ce qui pour moi renvoie directement au graffiti. »

« Comme le graffiti, le mouvement MOD est un mouvement de jeunes, donc rempli de codes réservés aux initiés. Ici, je fais référence à l’expression Ace qui désigne un type influent dans le milieu. L’équivalent d’un King dans le graffiti. »

« Ces deux toiles sont peintes à l’huile. La peinture à l’huile, c’est un peu l’inverse de la bombe de peinture qui est très rapide et convient parfaitement au graffiti. L’huile en revanche demande beaucoup de temps mais offre des rendus beaucoup plus riches. Sur la première toile, j’ai peint le 45 tour de mon ami Adam Gibbons aka Lack of Afro avec son titre Clean living under difficult circumstances tiré d’une phrase de Peter Meaden qui définit parfaitement le mouvement MOD. »

« Ici, je propose neuf déclinaisons autour de la cocarde anglaise, utilisée par les autorités britanniques dès 1915 lorsqu’ils adoptent la cocarde française en inversant les couleurs. Dans les années 60, Peter Blake et Jasper Jones reprennent ce motif sous la forme de sérigraphies. La cocarde de la RAF est rapidement devenue un des symboles de la culture MOD. »

« Ces toiles renvoient au point de départ de cette exposition lorsque j’ai récupéré l’affiche du film Quadrophrenia sur laquelle j’ai peint à l’acrylique. J’ai eu envie de continuer ce processus avec mes propres photos prises lors de mes voyages en Angleterre. »

« Là encore il s’agit d’un travail sur les cocardes. Pour cette série, j’ai décliné ce motif en prenant garde de ne jamais utiliser les trois couleurs primaires ensemble sur une toile. Pour l’anecdote, le noir utilisé provient d’un pot de peinture industrielle noire mate en référence aux bâtiments noirs fréquents en Angleterre, beaucoup plus rares dans le reste de l’Europe. »

« Cette peinture fait référence au graffiti. Je garde de cette pratique un amour pour la lettre. Des lettres simples, épurées, comme celles que l’on pouvait peindre sur les murs ou les trains avec Poch et Honet. »

« À droite de ces trois Parkas, j’ai présenté un polaroid de la Parka que je portais en 1984 sur laquelle j’avais reproduit un dessin de Robert Crumb. Ici, je boucle la boucle en prenant à nouveau la Parka comme support. Celle de droite est un hommage au peintre et sculpteur Allen Jones. Elle évoque le costume élégant que les Mods portent sous la Parka. Celle du milieu est un hommage au writer Quik lorsque, lors de ses vernissages, il se déguise en bagnard pour souligner sa soumission au marché et à son galeriste. »

« En préparant cette exposition, j’ai redécouvert le plaisir de faire de la photo. Au départ, je cherchais des images pour peindre dessus et puis je me suis pris au jeu. Ici, c’est un peu mon Wall of Fame… Une illustration photographique du mouvement MOD.
Il existe aujourd’hui beaucoup de sources visuelles sur ce mouvement mais je voulais présenter mes propres photos. On y retrouve des amis, des DJ’s, des moments, des lieux… Cela illustre ma vision personnelle de ce mouvement et d’une certaine manière de l’Angleterre où je passe aujourd’hui la moitié de ma vie. »

Texte et photographies de Nicolas Gzeley
Vidéos : Superette Productions