Hamadaraka – Asie Riderz

Dans ce second chapitre de notre périple à Nantes pour le projet Asie Riderz, nous vous emmenons à la découverte du tandem Hamadaraka. Créatrices de poupées, de dessins, de masques et d’objets d’art, les soeurs Eru & Emu Arizono ont plus d’une vingtaine d’expositions à leur actif au Japon et ailleurs. On trouve trace de leurs voyages icono-symbiotiques dans des magazines, la mode, des videos, des illustrations pour pochettes de CD et des festivals de live painting. Une seule syllabe de leur prénom distingue les jumelles. Et si elles se ressemblent de par leur physique, c’est aussi au travers d’une technique toute en délicatesse que nous avons pu les regarder travailler, avec minutie et complicité. Leur collaboration prolifique étant à considérer comme une entité à part entière, nous n’avons pas distingué les prises de parole de l’une et de l’autre. Rencontre…

 

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Que signifie « HAMADARAKA » et pourquoi ce nom ?

En japonais, le terme « hamadaraka » désigne le moustique qui donne la malaria [NDLR : qui se traduit en français par anophèle]. Nous avons choisi de nous appeler ainsi car nous souhaitons transmettre quelque chose aux gens. La réalité à laquelle cet insecte renvoie est triste et noire, mais dans cette obscurité il y a de la beauté et c’est ce que nous cherchons à faire passer dans notre art.

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Depuis quand dessinez-vous ?

Depuis notre naissance nous n’avons été séparées qu’un mois. Nous dessinons depuis toutes petites et nous avons toujours été ensemble à l’école, puis au lycée. Notre père a travaillé pour un magasin de fournitures d’art spécialisé dans la peinture, c’est pourquoi nous avions toujours du matériel à disposition. Enfants, peindre ensemble nous permettait de communiquer entre nous avant même l’usage des mots. Aujourd’hui encore nous utilisons la peinture comme une forme de langage pour échanger avec les autres.

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Avez-vous étudié l’art ?

Nous avons étudié dans une école de maquillage dans le but de travailler pour le cinéma et le théâtre. Mais au final, l’école spécialisée n’était pas pour nous et nous avons rejoint pendant un temps un groupe d’artistes (vidéastes, peintres, musiciens, etc…) vivant en collectif à Tokyo. Ce collectif éditait des livres japonais et notamment un magazine qui s’appelait Obscure. Pour ce magazine nous avons été conviées à participer à une édition spéciale qui contenait 300 dessins originaux. C’est ce qui nous a donné envie de nous lancer dans la peinture illustrative.

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Pouvez-vous nous expliquer votre technique ?

Pour cette fresque, nous avons préparé un sketch. En général pour les œuvres collaboratives, nous commençons par dessiner les personnages, ensuite chacune d’entre nous peint librement ce qu’elle a en tête et le tout finit par s’accorder naturellement. Nos peintures sont fortement inspirées des textures et matières naturelles que nous voyons [NDLR : craquelures d’un mur, veines du bois ou d’une feuille, etc…], dans une démarche abstraite et instinctive. Nous essayons de les reproduire avec des lignes ou courbes observées autour de nous. Nous utilisons une technique d’estompage de l’acrylique au doigt qui nous permet de donner ce rendu aux contours blancs dont l’intérieur est opaque, flou.

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Qu’est-ce qui vous a inspiré pour réaliser cette peinture ?

Nous sommes évidemment influencées par notre identité culturelle, c’est pourquoi on retrouve l’esprit des estampes et des gravures sur bois de la tradition orientale. Les apparitions et autres spectres du folklore japonais que l’on appelle yōkai [NDLR : ce terme désigne un « être vivant, forme d’existence ou phénomène auxquels on peut appliquer les qualificatifs extraordinaire, mystérieux, bizarre, étrange et sinistre » source Wikipedia] sont présents dans cette fresque. Quelque chose de puissant spirituellement a amené tous ces personnages là où ils sont, et ils tous sont connectés à ce qui se passe autour.
[NDLR : par exemple, le personnage de droite porte un tilak (marque rouge frontale des hindous), clin d’oeil à l’artiste indien Priyesh Trivedi qui peignait dans la pièce attenante. Dans cet équilibre non prémédité, chaque illustration en déclenche une autre par le jeu des influences latérales, le tout convergeant vers cette espèce de félin hybride central. La vision et les regards des personnages sont matérialisés par des faisceaux partant des pupilles des personnages, qui sont attirés par la force rassurante de l’animal – car il s’agit-là d’un yōkai bienveillant].

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Qu’est-ce qui vous inspire dans l’art européen ?

L’art brut en général, le peintre Freidrich Schröder Sonnenstern… Dans nos premières influences, on peut citer le dessin animé basé sur le roman graphique ”When the Wind Blows” de Raymond Briggs.

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Comme on peut le voir sur les divers supports utilisés (toile, papier, bois…) la technique minutieuse d’Hamadaraka consistant en l’estompage au doigt s’applique généralement sur un fond sombre, faisant ressortir avec plus d’acuité le remplissage blanc au rendu cotonneux. Fonds obscurs et formes diaphanes se complètent dans un univers où mythe et réalité se mêlent avec subtilité. Le jeu des contrastes est saisissant : qu’il s’agisse d’un chaos harmonieux ou d’une harmonie chaotique, l’impression générale est celle que l’on peut avoir lorsque l’on se souvient d’un rêve. Un rêve étrange peuplé d’animaux-icebergs et de paysages figés sur un décor vallonné de volcans incandescents…
Ce travail à quatre mains effectué sur un panneau de 5,5 mètres sur 2 aura nécessité près de 60 heures de travail. Les autres visuels de cet article proviennent de leurs expositions. Quant aux festivals de live-painting auxquels elles participent, ils sont populaires au Japon et donnent lieu à des fresques improvisées comme celle montrée sur cette vidéo.

Texte : Chrixcel
Photos : Chrixcel & David Gallard
Mention spéciale à Jun Sato, notre interprète japonais inspiré et impliqué, pour la traduction en live des propos des jumelles et des autres artistes nippons, à découvrir dans les prochaines semaines.